Robert Neuburger explore les profondes mutations de la famille contemporaine à travers une lecture systémique. Il aborde les effets des séparations, les mythes éducatifs, la parentalité moderne et les risques de pathologisation des enfants. Une réflexion clinique riche et accessible, destinée aux thérapeutes, étudiants et professionnels de l'accompagnement.
Guide formation


Robert Neuburger, psychiatre, thérapeute familial et auteur reconnu, propose une lecture clinique et sociétale des transformations majeures qui traversent la famille contemporaine. Mettant en tension la clinique, les mutations sociales, les croyances culturelles et les mythes éducatifs, Neuburger offre un regard systémique puissant sur la façon d’accompagner les familles et les couples en crise.
De la famille traditionnelle à la famille en « kit démontable »
Neuburger rappelle combien la famille a connu en quelques décennies une transformation radicale : le couple ne fait plus nécessairement « famille ». Autrefois, le mariage et la parentalité s’inscrivaient dans une structure sociale plus large. Aujourd’hui, la famille devient un système modulaire, dissociable à tout moment de la vie conjugale.
« Le couple maintenant et la famille, c’est un espèce de kit démontable. »
Cette dissociation entre conjugalité et parentalité génère un climat d’insécurité pour les enfants, de plus en plus confrontés à l’instabilité relationnelle de leurs parents. Un tiers d’entre eux grandissent dans des configurations de séparation, recomposition ou monoparentalité.
Les conséquences sur les enfants
Les enfants d’aujourd’hui, exposés à l’instabilité des liens parentaux, observent leur environnement avec une vigilance accrue. Ils scrutent les signes de rupture potentielle et, ce faisant, deviennent souvent des acteurs cachés du système familial.
De l’enfant désiré à l’enfant « décidé » , une révolution silencieuse
L’une des grandes bascules anthropologiques repérées par Neuburger est l’apparition de l’« enfant décidé » – né d’un projet parental pleinement assumé. À l’ère de la contraception maîtrisée, les enfants ne viennent plus par surprise : ils sont souvent le fruit d’une décision réfléchie du ou des parents.
Mais cette évolution entraîne une conséquence souvent négligée :
« Avant, on devait aux parents. Maintenant, ce sont les parents qui se sentent redevables envers l’enfant. »
L’enfant-roi ou « enfant-cerise »
Le piège : l’enfant devient le centre relationnel de l’investissement parental, au détriment de sa structuration comme membre d’un système familial. Ces enfants sont décrits par Neuburger comme des « enfants-cerises » : accrochés au couple, mais sans appartenance réelle à une lignée ou à un groupe familial élargi.
Cela engendre des symptômes graves : tyrannie adolescente, crises de violence, rupture générationnelle. Pour y remédier, Neuburger propose des prescriptions simples mais puissantes.
Restaurer l’appartenance familiale
La réunion familiale horizontale
Pour les adolescents « tyrans », Robert Neuburger propose une stratégie d’inspiration associative : les réunions de famille où chacun propose ses engagements.
« Ce ne sont pas les parents qui disent "tu dois faire ça", mais chacun propose ce qu’il peut faire. »
Cette horizontalité restaure le sentiment d’appartenance et la coresponsabilité. C’est une approche particulièrement efficace dans les familles monoparentales, souvent en panne d’autorité ou sur-sollicitées.
Transmission et filiation
L’enfant « décidé » est souvent privé de mémoire familiale. Les parents évitent les récits transgénérationnels, pensant protéger l’enfant. Or, pour Neuburger, la transmission est structurante :
- Elle inscrit l’enfant dans une histoire.
- Elle offre un sentiment de continuité.
- Elle introduit la responsabilité intergénérationnelle.

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Les mythes éducatifs contemporains
Robert Neuburger identifie trois grands mythes actuels qui compliquent l’intervention thérapeutique :
1. Le mythe de la coparentalité
Le dogme de l’implication égalitaire des deux parents dans l’éducation peut conduire à des impasses, notamment quand l’un joue le rôle du copain permissif pendant que l’autre devient autoritaire.
« Le couple devient une équipe fraternelle, désexualisée. »
Sa prescription : alterner le rôle parental chaque semaine, afin de casser les escalades symétriques et restaurer une régulation par le système lui-même.
2. Le mythe de l’arche de Noé
Dans les familles recomposées, l’illusion que tous les enfants vont s’aimer « comme dans une vraie famille » engendre des conflits de loyauté destructeurs.
Neuburger préfère parler de familles pluricomposées plutôt que recomposées, et prescrit du temps exclusif entre chaque parent et ses propres enfants, pour apaiser les tensions.
3. Le mythe du père nécessaire
Reprenant les travaux de Lacan, Neuburger critique l’interprétation erronée qui confond le Nom-du-Père (fonction symbolique) avec la présence réelle du papa.
« Une femme seule peut faire le père de famille. Ce sont des rôles, pas des identités sexuées. »
Séparation parentale et comment l’annoncer
Neuburger dénonce une phrase courante et dangereuse chez les parents en séparation :
« Ça fait longtemps qu’on ne s’aime plus, on ne voulait pas te le dire. »
Cette déclaration détruit le passé de l’enfant. Elle le plonge dans une confusion identitaire douloureuse, voire des passages à l’acte.
Une annonce sécurisante
Il recommande une formulation plus simple et contenante :
« On s’aimait, on ne s’aime plus comme avant. On a décidé de vivre chacun de notre côté. »
Ce type de narration protège le sentiment de continuité de l’enfant.
Intégrer les enfants dans les thérapies de couple
Neuburger milite pour l’implication ponctuelle des enfants dans le travail avec les couples parentaux. Une rencontre unique suffit souvent pour :
- Évaluer la détresse de l’enfant.
- Libérer la parole.
- Faire une alliance thérapeutique implicite.
« Est-ce que vous voulez bien que je prenne votre place ? Que je m’occupe de vos parents à votre place ? »
Cette proposition, symbolique et forte, permet à l’enfant de se délester du poids de la régulation familiale.
Diagnostiquer ou étiqueter
Neuburger critique fermement la tendance contemporaine à surdiagnostiquer les enfants (TDAH, HPI, etc.). Il y voit une double dérive :
- Le besoin des enseignants d’externaliser les difficultés scolaires.
- Le soulagement des parents à trouver une explication qui les déculpabilise.
« Les classes sociales élevées ont des enfants HPI, les autres ont des enfants TDAH. »
Les risques de l’étiquetage
Il rappelle l’interdit ancien en psychiatrie de faire un diagnostic fixe chez l’enfant. L’étiquette fige, sclérose le potentiel évolutif et peut renforcer des comportements adaptatifs problématiques.
Contre les psychotropes chez les enfants
L’usage de la Ritaline ou des antidépresseurs est dénoncé comme abusif :
- Médicaments à fort potentiel addictif.
- Effets désinhibiteurs.
- Risques de passage à l’acte accrus.
La clinique systémique, une clinique de l’humain et du contexte
Robert Neuburger invite les thérapeutes à dépasser les modèles normatifs et les prescriptions théoriques rigides. Sa position est profondément clinique, éthique et contextualisée. Il nous rappelle que :
- Chaque famille est un monde en soi.
- Chaque symptôme est à interroger dans son environnement relationnel.
- Le rôle du thérapeute n’est pas de prescrire des normes, mais d’aider les familles à retrouver leur créativité propre.
« On n’est pas là pour apporter une norme préfabriquée aux familles, mais pour partir de là où elles sont. »
Où se former à l’approche systémique et stratégique?
LACT propose plusieurs parcours de formation web certifiantes en direct avec 50 formateurs internationaux
- Formation systémique généraliste
- DU clinique de la relation avec l‘université de Paris 8
- Mastere clinique avec spécialisation en psychopathologie avec le CTS du Pr Nardone